Ce week-end, les Français vivant hors de France ne votaient pas que pour le Parlement européen, mais également pour élire leurs représentants "nouvelle formule", les conseillers consulaires. Dans les circonscriptions où le Front de Gauche était représenté, ses résultats ont été globalement bons.
Dans ce billet publié voici deux mois sur Soir Américain (le blogue que je co-gère depuis Québec avec mon épouse), j'expliquais que le conseiller consulaire est grosso modo l'équivalent du conseiller de quartier en France, mais sur d'autres thématiques. La loi de juillet 2013 sur la représentation des Français hors de France prévoyait un maximum de 444 conseillers consulaires sur les 130 circonscriptions mondiales, au prorata de la population française immatriculée au Registre du ministère des Affaires étrangères (MAE), la "population légale" au même sens que l'entend le législateur pour les communes françaises. Un arrêté publié fin janvier annonçait un total de 443 conseillers consulaires et 68 délégués consulaires (circonscriptions de plus de dix mille ressortissants français inscrits au Registre).
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À Québec, cette liste associative était opposée à une liste soutenue par l'UMP et à une autre soutenue par les partis de gouvernement. À l'urne, elle a fait jeu égal avec la liste PS. _____
Le scrutin avait lieu en deux temps:
- du 14 au 20 mai par Internet, avec une participation (fournie dans la journée du 20 par le MAE) de 7,08%. Outre la méfiance de certains électeurs, la méconnaissance même de cette nouvelle élection, et une campagne sans moyens financier se déroulant uniquement sur les réseaux sociaux, cette faible participation s'explique aussi par de nombreux problèmes techniques -comme pour les législatives de 2012 et les législatives partielles de 2013- malgré les améliorations censées avoir été apportées par le MAE. Divers parlementaires avaient récemment encore mis en garde le gouvernement sur le remplacement du vote par correspondance (papier) par le vote par correspondance électronique (Internet).
- à l'urne le samedi 24 mai sur le continent américain et le dimanche 25 mai dans le reste du monde, en même temps que le scrutin européen, pour lequel les Français vivant hors de France étaient rattachés à la région Île-de-France, lui permettant ainsi d'avoir deux élus supplémentaires. Seuls n'étaient pas rattachés à l'Île-de-France ceux ayant préalablement choisi l'option de voter en France ou dans un pays européen.
Il s'agissait de la seule élection où aucun élu ne peut être parachuté, puisque pour être éligible il faut être inscrit sur la liste électorale consulaire (LEC) de l'endroit où l'on se présente. Un candidat pouvait se présenter (ou présenter une liste) avec le soutien moral d'une association ou d'un parti politique, y compris un parti local. Le financement de la campagne, en revanche, ne pouvait provenir que de partis politiques français, toute aide matérielle étrangère étant prohibée.
De 12 à 33% pour le Front de Gauche sur le continent américain
Ainsi, on trouvait généralement un minimum de trois listes dans les circonscriptions à plus d'un siège à pourvoir. Il y avait presque toujours une liste soutenue par l'UMP, une soutenue par le PS et ses anciens alliés d'EELV [car le dépôt des listes devait être fait au plus tard le 15 mars, deux semaines avant le remplacement de Jean-Marc Ayrault et le départ des Verts], et une liste soit associative, soit "apolitique". Certaines circonscriptions voyaient s'affronter bien plus de listes: par exemple Montréal, plus grosse communauté française extra-européenne, avait neuf listes, dont une liste autonome soutenue par le Front de Gauche. Au total, un électeur français sur trois pouvait voter pour une liste FdG ou soutenue par le FdG. Si vous voulez connaître les forces en lice dans un pays donné, le MAE les a mises en ligne à la mi-mars.
Le résultat du vote Internet ne sera dévoilé que lundi. Selon une parlementaire représentant les Français de l'étranger, c'est la date qui a été donnée à certains consulats. La page 26 du memento du candidat précise que "dès l'établissement du procès-verbal du vote électronique, les résultats sont communiqués, par voie électronique, à l'ambassadeur ou au chef de poste consulaire du chef-lieu de la circonscription électorale". Les résultats (comprenant le vote à l'urne et le vote électronique) doivent être proclamés "au plus tard le mardi suivant le jour du scrutin à 18h et en public".
C'est là que ça se complique, car le mémento électoral, en précisant que le scrutin doit été proclamé "en public", fait référence à l'article R109 du code électoral. Or cet article fait également état d'une commission électorale, alors même qu'il n'en existe pas pour cette élection. C'est du reste l'absence de commission électorale qui a entraîné à Québec comme à Montréal des observations de la part de certaines listes pour obtenir des annulations de bulletins ou une invalidation de liste. Rock'n'roll!
À Montréal, un candidat m'annonce que le résultat total (Internet et urne) doit être proclamé dès ce lundi à 8h30. Or le consulat de France à Montréal ouvre habituellement au public du lundi au vendredi, de 8h30 à midi uniquement. Par surcroît, le site Internet du consulat montréalais n'indique pas de date pour la proclamation (la dernière mise à jour de la rubrique "élections 2014" remonte au 13 mai dernier, à l'heure où ces lignes sont publiées). Difficile dans ce cas pour un électeur lambda d'assister à la proclamation des résultats.
En attendant, les résultats du vote à l'urne sur le continent américain sont tombés peu à peu dans la nuit. On relèvera notamment:
- à Montréal, un score à deux chiffres du Front de Gauche le plaçant en troisième position derrière la liste PS et la liste UMP,
- à Brasilia la liste FdG, avec 41 voix sur 161 votants à l'urne (on ne connaît pas encore le contenu des votes électroniques), se classe deuxième devant l'UMP,
- à Rio, où il y a 408 votants à l'urne contre seulement 372 par Internet, la liste ADFE-FdG arrive première avec 159 voix,
- au Pérou, où seuls l'UMP et le FdG se présentaient pour trois sièges, le Front de Gauche a obtenu un tiers des suffrages.
De quoi consoler des faibles résultats de la gauche en France aux élections européennes. D'autant que les conseillers consulaires seront membres du corps électoral, et donc appelés à élire en septembre 2014 des sénateurs.
Fabien Abitbol
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